INTERVIEW PATRICK BRINGER POUR TRAIL SESSION
* LA VICTOIRE SUR LA SAINTELYON / RETOUR SUR LA SAISON 2014
− Est-ce que tu peux nous raconter ta Saintélyon ? Comment l’as-tu vécue physiquement et mentalement ?
Je n’avais jamais participé à cette course sauf l’an passé en équipe sous la bannière « souvenir Sebastien BRESLE » aussi c’était une découverte. Finalement, c’est passé assez vite malgré un gros coup de fatigue vers 3h du mat’. Je m’étais préparé pour ce profil atypique, mélange de portions techniques et beaucoup de routes en faux plat descendant, aussi je l’ai assez bien vécu malgré un manque légitime de rythme car ma dernière course était la Maxi Race quasi 5 mois en amont. L’ambiance était excellente et bon enfant au sein du groupe de tête donc on a passé un moment sympa.
− Qu’est-ce qui se passe dans ta tête, lorsqu’après 72 kms de course, tu dois finir au sprint avec Emmanuel Gault que tu devances au final de 11 petites secondes ? Comment as-tu géré ton effort jusqu’à cette arrivée que tu as qualifiée « d’arrivée à l’emballage » ?
Longtemps je me sentais un peu au-dessus en bosse mais dans le final le mal aux cuisses m’a empêché de « visser » comme je le voulais et, il faut l’avouer, le Manu adore cette course et il est plus que coriace. C’est un peu le spécialiste de cette course. Alors, à 7 kms de l’arrivée, en approchant du dernier gros taquet, on se sert la main, on se souhaite bonne chance puis première mine de ma part, il revient, m’en remet une…. comme le final d’une classique vélo ! On se retrouve à 2 kms de l’arrivée, malgré plusieurs tentatives le Manu est là, toujours là !
Je décide d’attendre le final confiant dans mon finish…. il lance le sprint à 800m, comme je connais pas le final j’attends de voir le gymnase, je me concentre et déboîte à 75m de l’arrivée. Enfin il lâche, bonheur !
− On t’a senti très ému à Gerland, car cette victoire revêt un caractère très particulier pour toi. Peux-tu nous dire pourquoi ?
En effet, au-delà de cette course j’étais avant tout venu pour honorer la mémoire de notre ami Sébastien BRESLE décédé il y a deux ans après une lutte incroyable de courage contre une tumeur du cerveau. Il avait fait de cette course son moyen de lutte contre la maladie, son courage nous a tous marqué et sa famille souhaitait qu’un de ses copains gagne cette course pour lui. Ayant la chance de pouvoir le faire, ce fut une immense émotion avec beaucoup de souvenirs qui ont ressurgi, bien au-delà d’une totale anecdotique victoire de sport, qui plus est, dans un sport totalement mineur. Son grand ami Vincent Pialoux a lui aussi gagné la Saintépsrint donc ce fut un beau double clin d’œil à sa famille et ses proches.
− Revenons maintenant sur ta saison 2014. Peux-tu nous en dresser un bilan ? En es-tu satisfait ?
Super saison, pas de blessures, beaucoup de plaisir. 8 trails pour 5 victoires ( Sancy hivernal, Tournoël, Gruissan, Brives Tulles, Piqueurs, Sainté Lyon) et deux 2ème place (Besançon et Maxi Race) à chaque fois derrière Seb Spehler. L’objectif unique de l’année était la qualif’ aux Mondiaux d’Annecy, cela a été fait donc 100% satisfait même si j’ai un trou de saison en été et automne à cause de côtes cassées lors d’une chute en randonnée avec mon épouse !
− Quelle a été ta plus grosse déception cette année ? Quelle fut également ta plus grande satisfaction et ton plus beau souvenir ?
Déception pas vraiment, peut-être ne pas avoir bouclé la Grande Traversée des Alpes avec mes amis Juju Coudert et Yann Curien mais ce fut quand même un super moment. Plus beau souvenir les trois sprints (perdu à Besançon contre Seb, gagné à la Maxi Race face à Xavier et à la SL face à Manu). Bref des arrivées fun !
* UN TRIATHLETE DEVENU TRAILEUR ET ENTRAINEUR MAIS AUSSI PROFESSEUR !
− Qu’est-ce que les 17 années passées en tant que triathlète t’ont apporté dans le trail running que tu pratiques depuis bientôt 5 ans ?
Clairement une bonne dose d’endurance et un mental capable d’en endurer pas mal…. le Trail je le vois plus comme une distraction sérieuse post carrière, ça ne prend pas beaucoup de temps d’entraînement et on peut faire beaucoup d’entraînements en groupe de tout niveau ce que j’adore.
− Parlons maintenant de Cyril Viennot, qui est l’un des sportifs que tu entraînes. Il a tout récemment terminé le mythique Iron Man d’Hawaï en 5 tu as ressenti en tant que coach mais aussi en tant qu’ancien triathlète face à une telle performance ?
J’entraîne Cyril depuis 4 ans et demi. Nous avons préparé 4 Hawaï ensemble en catégorie professionnelle, 15ème, 12ème, 17ème et enfin 5ème. Je n’ai pas dormi la nuit derrière mon ordi, ce fut une forme d’aboutissement pour lui comme pour moi. Nous avons un respect réciproque, je lui en demande terriblement à l’entraînement, c’est l’un des seuls à pouvoir accepter cela, il le fait, ça marche donc la confiance est là. On ne compte pas s’arrêter là…
Mais la meilleure perf’ française de l’histoire à KONA et dans un temps canon ça a « de la gueule » 😉 Ne pas oublier aussi son podium aux Mondiaux et sa victoire sur l’Ironman UK…. C’est un modèle d’humilité, de courage, c’est un bel exemple pour les jeunes car il n’est pas très doué et fait finalement de belles choses. J’ai aussi eu de superbes satisfactions avec d’autres athlètes cette année (Stéphanie Reymond, Nico Martin, Etienne Diemunsch qui prépare le JO de Rio et tant d’autres…) je suis un entraîneur comblé cette année, je l’avoue !
Mais on va faire mieux en 2015 avec le même leitmotiv : notion de groupe – humilité –respect de tous les niveaux – rigueur encore et toujours – plaisir.
− Tu es réputé pour être un « gros bosseur » . Au cours de tes entraînements, tu ne lésines ni sur la qualité ni sur la quantité. Penses-tu qu’il faille nécessairement s’entraîner dur et puiser au fond de soi au cours de ses préparations, pour atteindre ses objectifs en compétition ?
Je n’ai aucun doute là-dessus, et je n’ai qu’un discours auprès de mes gars, vous voulez performer ? Bossez plus dur et mieux que les autres, c’est la seule solution. Je pense que le mental et la capacité de travail se développent sur des années et des années et que peu en sont capables finalement… On préfère se cacher derrière des excuses de manque de temps, de manque de qualités…. la meilleure qualité c’est de bosser dur, dur, toujours plus dur sans faire n’importe quoi bien sûr et avec la notion de groupe et de plaisir qui restent des éléments essentiels de la performance tout comme le maintien d’un équilibre affectif, social et familial.
− Avec les sportifs que tu entraînes as-tu le même degré d’exigence qu’envers toi-même ? Comment gères-tu la relation entraîneur/ entraîné ?
Je pense avoir déjà répondu au-dessus. Je m’adapte à chacun en m’engageant à fond avec une dose d’affectif, j’en demande beaucoup selon les envies de chacun. Je supporte mal le manque de rigueur. Le coaching à distance m’apporte énormément de satisfactions. Amener quelqu’un à son rêve, quel que soit le niveau et celui-ci, est un pur bonheur et j’ai ainsi tissé des liens forts avec de nombreux athlètes qui sont devenus des amis.
− Au quotidien, tu es professeur d’histoire-géographie. Quel regard porte tes élèves sur ton profil de traileur ? Sont-ils admiratifs ou bien l’univers du trail leur est totalement étranger ?
Au boulot je suis au boulot, certains savent vaguement que je cours tout comme quelques collègues, mais je m’en fiche. Je leur inculque juste que la vie est très simple à qui se lève tôt et sait être courageux. Le trail à part ceux qui courent en France personne ne sait guère ce que c’est. C’est un sport mineur et c’est bien ainsi. Donc, globalement oui ils s’en contrefichent et c’est tant mieux !
* LA SAISON 2015
− Peux-tu nous dévoiler quelques objectifs pour la prochaine saison ? As-tu une compétition majeure ?
Oui tout est calé, l’objectif majeurs ce sont les Mondiaux à Annecy pour conquérir le titre par équipe . Individuellement je ferai de mon mieux mais je serai uniquement et totalement au service du collectif. Ensuite, cap sur les France du Sancy sur circuit que j’adore et bien adapté à mes qualités. Avant cela le très relevé Trail du Ventoux sera un excellent point de repère au sortir de l’hiver.
− Dernière question. Tu es père de 3 enfants, penses-tu partager un jour une course avec eux ? Ont-ils déjà la fibre du traileur ?
Oui mes enfants ont 12-12 et 6 ans, ils suivent et adorent tous les sports sans distinction. Pour l’instant les « grands » nagent en sport études et adorent cela. C’est une belle école de la rigueur, de l’humilité et du courage. Parfois ils courent pour se distraire. Ils choisiront où ils veulent s’investir mais je pense qu’ils feront du sport toute leur vie car c’est dans leurs tripes et ils adorent plein de trucs et surtout se dépenser. J’en suis ravi. Le petit, lui, s’adonne au tennis, au rugby et à la natation. Il a envie de courir mais je lui suggère plutôt de le faire derrière le ballon avec les copains du lotissement, il a bien le temps !
Un immense merci à toi Kinou pour ta spontanéité et ta générosité. Nous te souhaitons une très belle fin d’année et de belles performances pour la saison 2015 !
MERCI aux lecteurs et très belle fin d’année à toutes et tous !
KINOU
Crédit Photos: Trail Endurance Mag, Photosport.com, Peignée Verticale