Ce 18 avril, la cité girondine s’était revêtue de ses plus beaux apparats pour devenir le théâtre d’un superbe marathon nocturne, où 18 000 acteurs allaient entrer en scène. Longue de plus de 42km, cette scène allait inviter quelques milliers de protagonistes à sillonner les plus beaux joyaux de la ville des Lumières.
Sur la distance mythique, le départ fut donné du quai Louis XVIII, sous des trombes d’eau, à 20 heures précises. Avec une belle densité de coureurs, l’atmosphère régnant au niveau de la Place des Quinconces était électrique, de quoi ravir les supporters amassés le long de la Garonne. Alain Juppé en personne donnait le coup d’envoi de la partie ô combien pluvieuse.
Dès les premiers mètres, un groupe d’une dizaine de concurrents se détachaient. Parmi eux, on retrouve le favori local Saïd Belharizi. Malheureusement, les prévisions météorologiques s’avérèrent froidement réalistes. En quelques heures, il va tomber dans le sud-ouest l’équivalent de quinze jours de pluie. Les marathoniens s’en rendront compte dès le préambule, où une partie de la chaussée se trouva inondée. Ce soir, il faudra donc slalomer entre les flaques, afin de garder les pieds au sec et ne pas doucher ses espoirs de performance. Ayant vocation à être un évènement festif, convivial et chaleureux, le marathon de Bordeaux se destinera pour cette 1e édition avant tout à des guerriers, prêts à braver les éléments pour venir à bout de l’épreuve reine de la course de fond.
Plus qu’un simple élément du décor, la pluie va jouer un rôle majeur dans le scénario de la course. Sans cette perturbation de dernière minute, le script aurait certainement suivi un tout autre cours. Rendant la chaussée glissante, la pluie va également refroidir les velléités de certains, frigorifiés avant même de franchir l’arche de départ. Mais surtout les précipitations vont clairement détériorer la visibilité non seulement des coureurs, mais également des suiveurs, déjà amoindrie par les conditions nocturnes.
Dans les premiers hectomètres, les participants se voient inviter à traverser le pont Jacques Chaban-Delmas, inauguré il y a tout juste deux ans. Long de 575 mètres, le pont permet aux coureurs de se tester, grâce à ses 77 mètres de hauteur. D’emblée, le ton est donné. Belharizi prend les commandes de la course et entend bien jouer le premier rôle. Derrière, une poignée de coureurs tentent de s’accrocher pour éviter d’être de simple figurant. Parmi eux, on distingue Simon Bousquet, Bastien Cligny, Mathieu Davion et moi-même. Soutenu, le rythme ne laisse aucune place à l’improvisation. Les athlètes n’ayant pas révisé leurs gammes à l’entraînement se verront vite sanctionnés.
En ce qui me concerne, quelques foulées sur la rive droite de la Garonne me suffisent pour choisir de m’extraire du sillage du leader, semblant un ton au-dessus. Au niveau du magnifique Pont de Pierre, un modeste groupe de cinq poursuivants vient à se former.
Aux abords du 5e kilomètre, nous assistons à un premier coup de théâtre, en voyant Saïd débouler dans une rue perpendiculaire au parcours. Mal orienté, il vient de perdre de précieuses secondes et doit désormais reprendre à zéro son numéro.
Après ce premier regroupement en tête de course, on se dirige vers les vignobles bordelais de Pape Clément et Picque Caillou. Découvrir ces châteaux nécessitera de s’aventurer dans les chemins boueux, qui s’avèreront piégeux à souhait, aussi bien pour les coureurs, que pour les motos de l’organisation qui s’enliseront juste devant nous. Ce passage bucolique requerra une grosse débauche d’énergie.
Au sortir de cette virée nocturne toujours bien arrosée, on se dirige à nouveau vers le centre-ville. Entre le 17e et le 18e km, esseulé aux alentours de la 6e position, à l’instar de Saïd, je perds mon chemin. Occupés à contrôler le flux des automobiles, les baliseurs ne me voient guère poindre à l’horizon et me laissent prendre une mauvaise direction. Après une grosse minute d’errance, je regagne le parcours. A ce moment, le moral est vraiment bas. Quelques places de perdues et des concurrents qui me dépassent, glacent mes ardeurs. A cet instant, j’ignorais que je me faisais doubler par des concurrents en relais, qui jetaient leurs dernières forces à quelques encablures du semi-marathon. J’ai pris un coup sur la tête et j’éprouve les pires difficultés à positiver pour relancer la machine. Malgré tout, les sensations physiques paraissent plutôt encourageantes. Au semi-marathon, je ne me sens point fatigué. Je décide donc d’insister jusqu’au 25e km pour essayer de remonter. On m’indique que je me trouve à la 11e position. Tout est encore jouable !!
Les kilomètres défilent et l’effort commence à se faire sentir. Les muscles se raidissent et la foulée se fait plus rasante. Au moment même où je commence à subir et à ruminer l’incident de course, nous regagnons le centre de Bordeaux. On traverse alors la célèbre place de la Victoire, où l’accueil du public est impressionnant. La foule, venue en masse pour assister à l’événement, nous pousse et nous supporte littéralement. Régional de l’étape, je me sens supporté par tous les spectateurs. Cela regonfle mon moral et me remet définitivement dans le droit chemin. Jusqu’à la fin, je vais seulement me concentrer sur l’objectif, en faisant abstraction des quelques accrocs passés.
Sur la fin de course, on va passer en revue les plus beaux monuments de la ville, la Basilique Saint-Michel, le Marché des Capucins, la Cathédrale Saint-André, le Grand Théâtre et le Monument aux Girondins entre autres. Après la douche froide de la première heure de course, l’ambiance survoltée du public bordelais va enflammer les marathoniens jusqu’à l’apothéose du 42e km. Les animation musicales et les encouragements viennent alors à point nommés. Ultime obstacle à négocier, le passage dans le jardin public détrempé par les intempéries va s’avérer un supplice pour beaucoup.
Malgré la clameur du public girondin, le malchanceux mais courageux bordelais Saïd Belharizi va se faire coiffer au poteau par le polonais Jacek Cieluszecki, qui clôture le marathon en 2h32min50sec au niveau du Miroir d’Eau.
La 1e édition du Marathon Bordeaux Métropole aura été un succès populaire indéniable, de par l’affluence exceptionnelle des coureurs, mais également du fait de l’engouement régional autour de la course. Les bordelais ont répondu présent pour accueillir de la meilleure des manières leurs invités pédestres. Les petites polémiques liées à la difficulté du parcours, à la distance (le compteur des GPS ayant enregistrés plus de 43km), à la mauvaise synchronisation du départ du semi-marathon, ou aux erreurs de parcours en tête de course, ne terniront pas la dimension chaleureuse, culturelle et populaire de ce marathon.
Si cette course brille de mille feux par les sites traversés, les monuments éclairés et le public passionné, il convient de souligner la rudesse du parcours. Outre les 250 mètres de dénivelé positif, les marathoniens auront dû s’employer sur des revêtements auxquels ils n’avaient peut-être pas été habitués jusque-là. Le circuit emprunte ainsi des routes pavées, des chemins boueux, ainsi que des rails de tramway. Comme sur les autres marathons girondins (Blaye, Médoc, Cap Ferret, Sauternes), l’organisation a clairement joué la carte de la convivialité, plutôt que celle la performance.
Pour ma part, après des mois sans épingler un dossard, j’ai bien arrosé et adoré ce retour sur le marathon de Bordeaux. Une 1e édition avec des conditions dantesques, un parcours très difficile, mais une ambiance de folie dans la cité girondine. Un immense merci pour tous les encouragements reçus tout au long des 42km. Après des petits couacs au niveau de l’orientation des coureurs, je grappille donc une 6e place en 2h39. Merci à Bordeaux de nous avoir offert ce grand événement et organisé un engouement extraordinaire autour de ce marathon nocturne. Malgré les averses, la boue et les rafales, une belle pluie d’étoiles a bel et bien accompagnée l’ensemble des 18000 coureurs. Merci aux bordelais !!!
Le top 10 du marathon masculin :
1. Jacek Cieluszecki – 2h32’50
2. Saïd Belharizi – 2h33’02
3. Simon Bousquet – 2h34’50
4. Bastien Cligny – 2h37’12
5. Mathieu Davion – 2h39’07
6. Guillaume Vimeney – 2h39’44
7. Anis Chefirat – 2h42’13
8. Sébastien Oury – 2h42’19
9. Fabrice Delias – 2h44’56
10. Gaylord Etienne – 2h45’45
Le top 3 du marathon féminin :
1. Gwenn Droisier – 3h06’14
2. Cécile Hebert – 3h16’48
3. Aurélie Danglade – 3h17’38
Texte : Guillaume Vimeney