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La deuxième partie du récit de Cédric sur l’Ultra Africa Race au Cameroun. Etape 2/ Col de Méri – Mokolo (42km) !
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Etape 2/ Col de Méri – Mokolo (42km)
Le matin de la deuxième étape je ne pensais pas que je serais en capacité de récupérer aussi bien de la veille. J’allais une fois de plus pêcher par excès d’orgueil. La température matinale (départ donné à 7h30 au lieu de 8h la veille, sur décision de l’organisation afin que nous profitions un peu plus de la « fraîcheur » matinale) a été traître. Les camerounais sont partis à toute vitesse devant, tandis que Toni et Rafaël en renards, en malins habitués de ce type de parcours, assuraient un départ tranquille. Je me sentais terriblement bien, je courrais avec mon sac allégé d’un premier sachet de nourriture de la veille, l’air était respirable, et mes muscles étaient biens. Peu après 5-7kms parcourus, je rattrapais les camerounais, qui étaient déjà fatigués, et me souhaitaient « Bonne course »… Je filais à mon rythme, je n’avais pas l’impression de forcer… Le terrain était adapté à ce que j’aime, ça montait dans des parties plutôt techniques, et les paysages étaient un pur Bonheur. Je souriais, j’étais bien là où j’étais…
A ma grande surprise, j’arrivais déjà au premier check point, qui se situait au KM17, et Isabelle me disait: « Tu as été rapide dis donc ». Je ne savais pas encore que j’allais vivre là la pire journée de cet Ultra en Afrique. Et en y repensant bien, c’est sur cette étape que je « perds » cette deuxième place qui était plus que largement à ma portée. Mais je vous avouerais aussi que je n’en ai que faire au vu des étapes suivantes.
Après ce premier Check Point, voyant Toni et Rafaël n’étaient pas loin, je me suis décidé à les attendre… J’ai levé le pied… C’était une partie montante, et très caillouteuse, la température se faisait de plus en plus étouffante, je commençais à ressentir à nouveau le poids du sac… J’essayais de ne pas laisser mon esprit divaguer, mais c’était plus fort que moi. La Réalité était bien là: le soleil commençait à brûler ma peau (mollets, cou, bras), je buvais de plus en plus afin de ne pas me déshydrater… et Rafaël et Toni étaient avec moi depuis quelques kilomètres. Je commençais à ressentir un état soudain de faiblesse. Je n’étais plus du tout sur le même rythme facile. Eux continuaient avec ma régularité, avec légèreté et simplicité. Je commençais à comprendre que sur ce type d’effort, il ne sert à rien de vouloir rechercher la sensation de vitesse… Mais c’était trop tard… Je comprenais trop tard, le mal était fait. Mon organisme avait tapé dans les calories, mon organisme commençait à souffrir. J’ai décidé de lâcher prise, et de les laisser partir, de me dire qu’une fois de plus j’avais été trop orgueilleux, et que je prenais et j’apprenais la Leçon.
Mon surnom de « Bourriquet » donné par Isange n’est pas volé.
Ce n’est pas que je manque d’humilité, loin de là… Mais j’ai cette fâcheuse tendance à toujours vouloir griller les étapes… Et là il en restait encore 3 derrière celle-ci. Et pas des moindres. vers le 25ème km je les laissais donc partir, et me badigeonnais de crème solaire et m’hydratais régulièrement, tout en marchant. Ma peau était presque violette tellement le soleil me brûlait. C’était une chaleur aride et sèche, la Fournaise. Entre 36 et 40 degrés, et il restait encore au moins 2h30 à « courir ».
Je m’alimentais, et alternais marche puis course. Arrivé au Check Point 2, le camerounais Sini m’avait rejoint. Il avait laissé ses copains. Il serait mon compagnon de route… Lui aussi souffrait ÉNORMÉMENT de la chaleur, et je me disais: Wahoo si lui aussi, qui est habitué au climat, souffre de la chaleur, c’est qu’il fait vraiment chaud, ce n’est pas qu’une impression… Nous alternions marche et course, mais les kilomètres passaient si lentement. Mes pieds commençaient à me faire terriblement mal, je contractais mes premières ampoules, celles qui me suivraient jusqu’au bout de mon périple. Celles qui seraient mes ennemies, mais aussi mes amies, car c’est dans la Souffrance que je me suis « re »trouvé. Que j’ai retrouvé cette simplicité et cette humilité qui m’animent tellement. Oui j’ai souffert, pourtant mon visage ne le montrait pas.
Je souriais au passage de tous ces villages, les camerounais continuaient de nous encourager. Les paysages étaient toujours différents, mais la Misère restait la même. Aucun signe de richesse apparent, mais une richesse dans l’âme de certains êtres dont j’ai croisé les regards… Ces écoliers qui sortaient de l’école dans leurs tenues colorées, couleurs différentes selon les villages et les écoles… Et sûrement aussi par rapport à la classe. J’étais animé par ces questions: tiens pourquoi des tenues scolaires de couleurs différentes? Pourquoi disent ils « Bonsoir » au lieu de « Bonjour » alors qu’il est à peine 11h du matin? Pourquoi se mettent-il ou se met-il à courir à côté de moi, sans même me parler ou répondre à mes salutations? Est-ce qu’au moins il me comprend?
Je courais, je marchais… Sini était à côté de moi, nous parlions peu, dès que nous trouvions des portions ombragées nous les prenions… Puis nous arrivions à Mokolo, à à peu près 5kms de l’arrivée. Il connaissait, Sini se sentait des ailes, moi non. Il croisait des amis du lycée, puisque ce fut, d’après ce qu’il m’a dit, son lycée. Il est en attente de ses résultats pour rentrer en école de Police… Il m’expliquait aussi qu’il y avait une forte corruption au Cameroun, et qu’avoir un travail ça s’achetait… J’apprenais en même temps que je courais, un tas de choses sur ce « Beau » et paradoxal pays. Mais Sini était bien, il volait, les encouragements le portaient. Moi, j’avais chaud, j’étais en train de vivre une insolation, je repensais à ce départ du matin trop rapide. Je pensais que j’avais été un crétin. Mais en même temps je relativisais, j’appréciais chaque seconde qui passait, et je peux vous dire que j’avais le temps de les apprécier.
Les derniers kilomètres avant l’arrivée m’ont paru une éternité, mais nous sommes arrivés, main dans la main avec Sini, j’étais content d’en finir aujourd’hui avec cette étape de 42kms. Demain il faudrait repartir pour 48kms. Mais avant ça il allait falloir se restaurer, se reposer, récupérer. Toni et Rafaël étaient là pour m’accueillir, et en définitive ne m’avaient pas tant distancé: 45min d’avance pour Toni, Rafaël finissait juste 5 min derrière lui. Ils commençaient déjà à me conseiller, à me dire que non je n’avais pas foiré, que j’apprenais, et que je réalisais malgré mes erreurs de jeunesse un bon début d’Ultra en Afrique. Le lendemain matin la surprise de mes ampoules aux deux talons m’attendaient… Et mon surnom de « Bourriquet Piou Piou Menteur » allait naître…
A suivre …
Crédits Photos, Canal Aventure, tous droits réservés.
Cédric Masip, Trail session Magazine.