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La troisième partie du récit de Cédric sur l’Ultra Africa Race au Cameroun. -Etape 3/ Mokolo – Mogode (49km)
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Cette étape est l’étape charnière de mon Ultra Africa Race. Elle est l’étape où j’ai enfin laissé place à mon humilité la plus profonde. C’est l’étape de toutes les révélations. C’est l’étape où j’ai souffert au début et vécu le Bonheur à la Fin. C’est l’étape de tous mes paradoxes. C’est sur cette étape où je suis devenu le coureur que je suis aujourd’hui, où j’ai laissé celui que je ne serai plus.
Pour commencer, avant le départ j’ai dû montrer mes pieds à Isabelle, l’infirmière du Staff médical. Lorsqu’elle a vu mes talons, elle a dit que ça nécessitait les soins: Avec une seringue elle allait aspirer le liquide de l’ampoule et injecter de l’éosine. Mais je n’en n’ai pas voulu ce matin là, cela m’effrayait un peu… Je pensais pouvoir éviter ça… Elle m’a donc soigné rapidement, et nous verrions le soir après cette étape de 48kms.
Je suis donc parti avec des pieds en sale état. Mais Toni m’a donné ces conseils que je ne perdrai jamais à présent. En anglais, il m’a demandé mon rythme moyen FC de la veille, il était de 155 pulses sur l’ensemble des 42kms. Il me disait qu’aujourd’hui je ne devrais pas dépasser ce seuil de 155. Et j’ai suivi cette instruction. Nous avons démarré dans un rythme souple, de 10km/h, pour remettre la machine en route. Les camerounais, comme tous les jours partaient vite devant. Toni me disait: laisses les, tu verras, dans 5 kms ils seront morts. Et nous papotions de tout, du pays, des paysages, nous prenions des photos tout en courant. C’était cool, une ambiance super entre lui et moi. Faut dire que je n’en parle pas trop dans ce récit, mais il y avait une ambiance burlesque au sein du groupe: Staff, coureurs… Jacob le danois était très drôle, toujours prêt à blaguer, et Toni aussi… Je n’étais pas le dernier non plus… Avec Toni, en plus avant le départ de course à Maroua nous étions allés faire deux footings et avions bien rigolé… Ce mec est un mec en or. Rafaël, l’allemand, j’avais plus de mal à le cerner, il avait un humour acide, mais ces 3 dernières étapes nous ont rapproché… J’ai compris qui il était, un mec avec des valeurs humaines hors du commun… Un mec avec lequel il était finalement IMPOSSIBLE que je ne m’entende pas. J’ai compris ce qui m’oppose à des gens le plus souvent: ma jeunesse, ma fougue… Non pas que je n’écoute pas, bien au contraire, mais cette fougue insolente de la Jeunesse. Et Rafaël m’expliquera après course qu’il me comprenait TOTALEMENT en fait, parce qu’il avait été ainsi lui aussi plus jeune… En gros, ils me transmettaient leur savoir, et un jour je le retransmettrai peut-être.
Toujours est-il pour en revenir à l’étape 3, ce jour-là j’ai pris du plaisir… J’étais bien, nous allions de plus en plus vite avec Toni. Rafaël était derrière, il suivait… Nous passions dans des paysages encore différents. Un petit pont près d’un village, un enfant s’est même mis à crier surpris de nous voir, de voir 3 blancs courir…et s’est étalé dans le fossé. Nous apprendrons plus tard que dans certains endroits les villageois n’ont jamais vu un blanc, et que c’est pour cette raison qu’ils peuvent être amenés à frotter leur peau contre la notre. Pour vérifier si nous ne serions pas peints en blanc !
J’ai découvert chaque jour des paysages différents… Je vous laisse les photos pour illustrer mes mots… Il m’est en effet très difficile de vous retranscrire ce que j’ai vu… J’essaie, mais en fait ce que j’ai vu je l’ai surtout ressenti, et je pense que je pourrai attendre encore longtemps si je voulais prendre du recul… mais ces images elles sont gravées dans mon âme. Je peux juste vous dire ceci, dans toute ma subjectivité: c’était BEAU, c’était GRAND, c’était l’AVENTURE. Tous les superlatifs ne suffiraient pas. Je pense que certaines choses doivent être vécues par soi-même. Toujours est-il j’ai trouvé ma part d’Inconnu(e) et c’est cette troisième étape me l’a permis.
Sur les derniers kilomètres du parcours, je voulais avoir une avance confortable sur Sini. Mine de rien, j’étais content et fier d’être 3ème au général. Jérôme me charriait à dire qu’il n’était qu’à 20 min derrière. Il faisait de plus en plus chaud, le final était une longue ligne droite de montées et descentes sur 19kms… Les paysages nous présentaient de hautes montagnes, rondes, un paysage ocre, qui pouvait faire penser à des paysages de côte ouest américaine: Arizona… Nous étions à la frontière du Nigéria. Avant que Jérôme, Isabelle et le conducteur camerounais ne nous trouvent, Rafaël et Toni avaient voulu s’arrêter boire un Coca… Rafaël avait sa poche d’eau qui s’était percée… Il n’avait plus d’eau pour les 8kms qui restaient. Nous nous sommes arrêtés 10min pour nous désaltérer… dans un petit village en bord de route… Le 4X4 de Jérôme est passé devant là où nous buvions ce coca…sans nous voir. Nous savions qu’ils s’inquiéteraient du coup… Qu’ils allaient penser que nous nous étions trompés de route… Mais c’était ainsi… Nous avons trinqué et bien ri tous les trois…
Nous sommes repartis sous cette chaleur de plomb… 30 min plus tard nous croisions le 4X4 du Staff, ils étaient rassurés de nous trouver… Nous nous arrêtions deux petites minutes pour leur relater les faits, et nous repartions de plus belle… Je sentais « les écuries » se rapprocher… Nous déroulions entre 12 et 14 Km/h, un peu fort… Sur les derniers 200M j’ai dû lever le pied, je les avais entraînés dans ma fougue… Nous finissions cette longue étape de 48kms, dans un Alléluïa collectif ! Et main dans la main ! C’était une des étapes dont je me souviendrai longtemps… Car le plus fort dans tout ça, c’est que musculairement ça ne changeait pas, j’étais encore de plus en plus fort. Je souffrais de moins en moins de la chaleur, même si elle était violente. Mais mes pieds étaient dans un plus sale état que le matin. L’adrénaline me les avait fait oublier… Et ces derniers me rappelaient mes erreurs des jours précédents… J’allais devoir faire avec… Avec de violents coups de soleil aussi… C’était ainsi… Depuis ce matin de 3ème étape je m’étais résolu à mettre mes manchettes. J’avais compris trop tard. Mais mieux vaut tard que jamais, n’est-ce pas? Je ne serai plus jamais le même coureur à partir de cette troisième étape… J’étais fort, très fort. Et je le dois à moi-même, mais aussi à Rafaël et Toni qui ont couru avec moi. Le 4ème, Sini qui a réalisé un exploit à courir seul, est arrivé plus de 1h15 après nous… Par contre, j’allais commencer à souffrir des pieds, le travail de seringue de Isa allait devoir avoir lieu: aiguille dans l’ampoule pour aspirer le liquide, et injection d’éosine pour sécher. Elle s’est occupée de moi avec la plus grande patience. Je lui dois beaucoup, après être le Bourriquet, avec ces soins je suis devenu le Piou Piou… Parce que je régressais à un rôle enfantin, de blessé qui se fait soigner par sa « Maman Marabout »… Qu’est-ce que nous avons ri avec tous les autres coureurs… Jacob m’appelait le « petit François (rires)… Rafaël me charriait… Mes ampoules étaient nombreuses, et pas belles, mais visiblement dans leur expérience ils en avaient vu des pires… J’ai mal pour ceux qui ont eu pire, wahooo ! Les 3 nuits suivantes allaient être non récupératrices… Coups de soleil, et talons trop douloureux… Je me demandais bien comment j’allais pouvoir remettre mes chaussures…
La soirée sur le campement après une bonne douche sauvage, à la frontière du Nigéria, fut très agréable… J’avais bien récupéré, nous rigolions beaucoup. J’étais HYPER admiratif de Lam (de Singapour) et de Marc (le Québécois, mon compagnon de tente et de chambre). En effet ces deux là sont pour moi aussi TIC et TAC (surnoms durant la course), mais des TIC et TAC particulièrement mentholés, parce que vu la Chaleur, fallait les passer les 7-8h d’étape à chaque fois ! Des machines, de vraies machines de guerre ces deux là!!! Sur le camp, c’était une ambiance de plus en plus fraternelle entre nous. Les organismes étaient de plus en plus mis à rude épreuve ! Les camerounais continuaient au mental, malgré des tendinites, des entorses… Le classement n’avait plus d’importance, nous réalisons que l’Exploit serait d’être FINISHERS, et cela du premier au dernier. Nous, devant nous courions en 5h en moyenne. La 4ème étape nous allions la courir en à peine 4h15, pour 42kms… J’y viens…
A suivre …
Crédits Photos, Canal Aventure, tous droits réservés.
Cédric Masip, Trail session Magazine.