La quatrième et cinquième partie du récit de Cédric sur l’Ultra Africa Race au Cameroun. -Etape 4/ Mogode – Ldiri (42km)—Etape 5/ Ldiri – Louggéré Kondong (19km)
Cette 4ème étape est certainement celle où j’étais le plus fort, sur tous les points. C’est aussi celle où j’ai saisi le lien fraternel qui me liait à mes deux comparses de course. Au niveau de mes pieds c’était une « boucherie », il me fallait absolument occulter la douleur sur les premiers kilomètres. Ce jour-là j’ai compris qu’il me serait impossible de marcher, que j’allais devoir courir tout au long du parcours.
En effet le moindre pas en marchant, je sentais le frottement de mon talon contre la chaussure. En revanche, dès que je courrais, étant donné que je cours sur l’avant du pied, et bien ça allait. Le sac était quasiment vide, plus qu’un repas à l’intérieur…
Avec Rafaël et Toni, dès le départ nous avons convenu que nous ne partirions pas en tête comme la veille. Nous resterions avec les camerounais, qui au Check Point 1 à 15kms, passaient par leur village: Roumsiki. Nous tenions à ce qu’ils passent en tête.
Nous avons donc parcouru les 15 premiers kilomètres sur un rythme tranquille. Les camerounais accéléraient dès lors qu’ils passaient par des endroits qu’ils connaissaient. C’était assez sympa de les voir si fiers… Nous avons pu voir, notamment pour un, sa maison… Il était content de nous montrer où il vit. Ils nous montraient du doigt le Mont Roumsiki, une grande montagne qui émerge toute droite du sol très plat…d’une couleur un peu rouge… Ces 15 premiers kilomètres ils les connaissaient par coeur, ce sont les 15 kilomètres qu’ils empruntent matin et soir depuis tout jeune, pour se déplacer, et aller à l’école… Leurs jambes sont leur moyen de locomotion…
Arrivés à Roumsiki, c’est une descente technique qui nous attendait, nous sommes allés à un rythme plutôt « lent ». Rafaël commençait à ressentir plus vivement sa douleur au genou : une tendinite qui persistait depuis quelques mois… Cette tendinite il la traînera toute la journée, il ne sera pas en grande forme sur cette étape. Et Toni a énormément souffert de la chaleur, et commençait à ressentir cette lassitude que j’avais pu vivre le premier jour. Sur cette 4ème étape, malgré ma souffrance des pieds, c’est moi qui les motivais, les stimulais, et les attendais…
Sur le final qui était fabuleux, j’aurais pu accélérer et m’envoler seul. Mais ces 8 derniers kilomètres je suis resté avec eux, je ne pouvais pas marcher, pas même dans les montées, je le faisais pour les attendre, malgré la douleur que cela m’occasionnait aux talons… Sur la fin, j’étais excité à l’idée d’être aussi bien, j’avais enfin les clés de comment se court un Ultra en étapes… Il m’était inutile d’aller gagner. Qu’est ce que cela m’aurait apporté? A vrai dire, rien. Je ressens plus de fierté à avoir fini avec eux deux. Je me disais que la dernière étape de 19kms serait l’étape où nous pourrions nous amuser individuellement. Nous sommes arrivés donc ensemble avec cette vue splendide sur une vallée. Les villageois (enfants, vieillards, jeunes hommes) nous applaudissaient, nous observaient tel un spectacle qui les amusaient.
« Chaque jour se répétait, mais chaque étape avait une configuration différente. »
La nuit de l’étape 4 à l’étape 5, est ma pire nuit, j’ai bien cru que j’avais une fièvre atroce. Mais non, fausse alerte, Sylvain le médecin de course, m’a pris ma tension et ma température, et tout allait… En revanche je commençais à peler sur le cou et les épaules… Et le coup de soleil des jours précédents m’avaient fait mal. Il se trouve que sur cette étape 4, il y avait un léger vent… Le médecin m’avait demandé le matin: tu t’es mis de la crème solaire Cédric ? J’avais répondu que oui, alors que non… Je n’aime pas la crème solaire, ça colle et me gêne… D’où le fait que j’avais ensuite opté pour les manchettes… Mais cette erreur, bien que je ne l’ai pas payé pendant l’étape 4, j’allais la payer sur ma dernière nuit. Une nuit atroce qui m’a valu comme « une fièvre délirante ». Marc, qui partageait ma tente, a de biens belles anecdotes à mon sujet sur cette nuit. D’ailleurs une Interview faite le matin par Maxime du Staff, est bien drôle… C’est ce matin là, pendant qu’Isange me soignait mes ampoules, que mon surnom a pris sa tournure définitive: Bourriquet Piou Piou Menteur. Menteur parce que la veille j’avais dit à Sylvain que j’avais mis de la crème, et qu’il m’avait rétorqué: Mets en sinon tu vas avoir une insolation Cédric ! Quelle tête de noeud j’ai été !
-Etape 5/ Ldiri – Louggéré Kondong (19km)
Cette dernière étape de 19kms fut très rapide… Nous avons quitté le bivouac à 7h35, Marc et Lam sont partis à 7h, afin de pouvoir assurer le protocole d’arrivée et la remise des prix peu de temps après nos arrivées… Nous avons tous réalisé la montée du départ en marchant. Nous avions tous des sourires, c’était la dernière étape. Nous savions aussi que les deux premiers kilomètres étaient une longue descente, très périlleuse et qu’il fallait y éviter la blessure, notamment l’entorse. Mes ampoules aux talons me faisaient tellement souffrir, qu’au final j’ai préféré ne pas être raisonnable dans cette descente… Je l’ai abordé à fond, j’ai mis le cerveau sur Off. Je n’avais pas le choix, j’avais trop mal. J’espérais que l’adrénaline dégagée allait me faire passer la douleur comme les jours précédents, et ce fut le cas. Le Camerounais Sini a tenté de nous suivre Toni et moi dans les premières escarcelles de la descente… Toni descendait vite et bien… Pour ma part c’était beaucoup plus périlleux, je ressentais des brûlures et picotements désagréables aux talons et au bout des deux pieds… Mais j’essayais d’oublier, tout en faisant attention à mon entorse que j’avais eue durant Les Templiers…
Sur la zone de plat, Sini a « explosé »… Les autres étaient tous loin derrière… Nous venions de dévaler ces deux kilomètres… Sur le plat, je suivais Toni, nous étions à 16km/h sur mon GPS… Lui s’énervait car sa montre venait de lâcher, plus de batteries… Que j’en veux à sa montre (rires), il a rajouté une couche du coup, et s’est mis à me décrocher au fur et à mesure du chemin. Je tombais petit à petit à une vitesse moyenne de 14km/h. Le trou était largement fait derrière… Je prenais alors la décision de m’en tenir à cette seconde place, et de finir sur un bon 13-14 de moyenne… Toni était bien le plus fort, il n’y avait pas photo. Je décidais donc de savourer chaque hectomètre parcouru… Cette étape de 19kms, je l’ai vécue comme un rêve éveillé. Une sensation de vitesse, de fluidité, de voler au dessus des paysages… La Douleur n’était plus, j’étais là, j’y étais, c’était bien ICI et MAINTENANT ! Je me remémorais ces mots de Dominique Simoncini… Mon esprit ne divaguait pas, mais pourtant tout en courant, je pensais ces mots avec mon âme… Plus rien n’avait de valeur, j’étais juste là, en train de boucler mon premier Ultra par étapes, et de la plus belle des manières: en souriant, en me rappelant la chance que j’avais de pouvoir vivre cette expérience unique… Il y avait ces enfants qui criaient alors qu’ils jouaient pendant une pause entre deux cours d’Ecole… Je les saluais de ma main, leur souriais… je savourais leurs ‘Bonsoir », leurs ‘Bon Courage » auxquels je m’étais accoutumé!!!!
Dans quelques heures, TOUT n’allait plus avoir la même saveur… Le matelas sur lequel je me coucherai, la sensation du savon sur ma peau, l’eau chaude… Tous ces petits détails du quotidien j’allais les savourer avec délectation.
Courir, notamment en Afrique, fut bien plus qu’une compétition, ce fut surtout une GRANDE LEÇON DE VIE !
Pour conclure, je ne vous parlerai pas du classement final, c’est inutile. Vous le connaissez, on l’a suffisamment relaté pour parler de mon « exploit » (d’ailleurs tout est relatif). Je salue tous mes potes Finishers.
Je vais dire MERCI avec simplicité au Staff de Canal Aventure: Jérôme, Christelle, Isange, Sylvain, Max, Christian et les 3 conducteurs camerounais. Une équipe qui vous chouchoute, du début à la fin. Bravo à vous aussi.
Je remercie tous mes partenaires de course, les sponsors. Sans eux, je n’aurais pas vécu cette Aventure. Je serai très fier de faire d’autres partenariats avec vous sur des courses à venir, je projette de faire d’autres Ultras à l’Etranger. Je vous ferai part de ces projets. Merci pour votre confiance, tous vos produits ont contribué à cette 3ème place. Ils ont été un confort largement appréciable pour chacun d’entre eux. Les lecteurs auront droit prochainement à mes retours produits, ils seront positifs. Je le savais avant de partir, je connaissais le sérieux de chacun d’entre vous. Encore MERCI.
Enfin, je finis par ces mots :
Courir nous ramène à nos valeurs humaines fondamentales: nous sommes des bipèdes. Courir au Cameroun, en Afrique, a pris toute une dimension dans mon âme. De cette « épreuve » je ressors grandi, non seulement comme athlète, mais surtout comme être humain. Des images resteront à jamais gravées dans ma Mémoire. Ces images m’ont permis d’acquérir une Force que je ne soupçonnais pas. Aujourd’hui je ressens une Force intérieure inaltérable.
« Tout ce que tu m’as donné, Afrique, me fait marcher d’un pas à nul autre pareil » de Anoma Kanié.
Cédric Masip, Trail Session Magazine.