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Thierry Breuil est l’invité de Trail Session aujourd’hui. Intégré au Team Kalenji en tant qu’athlète et développeur des produits Trail, le triple champion de France de Trail réponds à nos questions …
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Trail Session Magazine : Bonjour Thierry et merci de répondre à notre invitation pour une interview sur Trail Session !
Thierry Breuil : Merci à vous !
T.S : En premier lieu, peux-tu te présenter pour les rares lecteurs qui ne te connaîtraient pas ?
T.B : Thierry Breuil, 41 ans, je pratique la course à pied depuis trente ans maintenant. J’ai tout essayé : la piste, le cross, la route jusqu’au semi marathon, la course de montagne, et maintenant le Trail depuis 6 ans. Passionné, je n’en suis pas moins un compétiteur : sept titres de champion de France, une quinzaine de sélections dont un titre de champion du monde par équipe en Trail en 2011, et une victoire aux Templiers en 2009 par exemple. Je vis en Corrèze, d’où je suis natif, marié, deux filles, et suis chef de produits chaussures et textile Trail homme et femme chez Kalenji depuis le 1er janvier dernier.
T.S : Alors tu es, entre autre, Vice-champion du Monde par équipe de Trail (en 2013), et 3 fois champion de France de Trail…en plus de ta longue expérience sur les différents circuits Trail et Running…on peut dire que tu connais la musique ?
T.B : Oui, cela commence à me faire un peu bizarre. Moi qui ai commencé tout gamin en benjamin. Avoir traversé toutes ces années, toutes ces disciplines, croisé tous ces gens, fait autant d’amis, découvert tant de régions ou de pays… Je le dis souvent lorsque l’on me tend un micro sur un podium. Sportivement, quelle chance j’ai eu. Gamin, je rêvais d’être champion olympique, sans avoir idée du niveau que je n’aurais jamais. Mais pour autant, j’ai pu m’exprimer pendant toutes ces années avec un plaisir énorme. Même si j’ai conscience de tout ce qu’il m’a fallu faire pour en arriver là, je mesure malgré tout l’immense chance que j’ai eu de vivre cette vie d’athlète, et de coureur passionné, et de la vivre encore à un peu plus de 40 ans. Toutes ces courses, ces podiums, ces victoires dont certaines sont vraiment gravées à jamais sur mon cœur et dans ma mémoire. Oui, j’ai eu de la chance.
T.S : Tu as intégré Kalenji début 2013, quels ont été pour toi les éléments qui t’ont conduit à accepter cette proposition ?
T.B : La proposition était trop belle, voilà pourquoi je l’ai accepté. Je le disais précédemment, je suis un athlète certes, mais tout autant un passionné. Je me suis investis jeune dans l’athlétisme au point de délaisser mes études. J’ai vite travaillé dans plusieurs magasins de sport après le service militaire. Mais à force de bricoler, coudre, couper mes chaussures, mes tee-shirt, mes sacs, notamment pour rendre ma pratique du Trail en compétition plus confortable et efficace, je rêvais de pouvoir intégrer une marque de sport pour le faire à grande échelle. Je suis à ce jour, le seul athlète en activité qui a eu la chance de se voir proposer une offre pareil.
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« Je suis fier de faire du Trail pour l’état d’esprit général qui y règne »
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T.S : Tu travailles donc avec Kalenji pour la conception des produits, c’est un travail qui te plaît ?
T.B : Je travaille, oui, je suis employé très exactement en CDI comme chef de produits Trail, chaussures et textiles homme et femme, avec Jean-Luc Burnichon qui donne toute son énergie pour me former. C’est donc mon métier aujourd’hui de réfléchir aux besoins des Traileurs, créer des produits pour en faciliter l’usage. Dés le 1er jour, j’ai travaillé avec l’équipe dédiée sur deux modèles de chaussures qui vont bientôt voir le jour, début 2014 : la Kapteren XT4 et la Kapteren Race. Je suis très heureux d’avoir pu saisir l’opportunité qui m’a été faite. L’état d’esprit, l’implication de chacun, la volonté de faire des produits innovants toujours aussi accessibles pour tous, sont autant de critères qui m’ont tout de suite persuadé que je serais très bien dans cette jeune et belle marque. Son slogan « find your rhythm, enjoy your run », est très représentatif de l’état d’esprit: de la course pour tous, dans le plaisir.
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T.S : Quel regard portes-tu sur la pratique du Trail actuellement ?
T.B : Je suis fier de faire du Trail pour l’état d’esprit général qui y règne. On arrive à faire de la compétition avec beaucoup de respect des autres, voir même en s’entraidant y compris en course. Le Trail se développe fortement depuis quelques années. Il y a de plus en plus de courses, et de participants aussi. Beaucoup d’épreuves sont très vite complètes malgré des prix de dossard trop importants. J’espère que cette escalade des dossards de plus en plus chers s’arrêtera assez vite, car je souhaite que la pratique de la course sur chemins reste accessible à tous.
T.S : Tu as remporté les Templiers en 2009, c’est une course qui te tient à cœur ?
T.B : Malgré mes sept titres de champion de France, mes sélections, et beaucoup de belles courses gagnées, cette victoire aux Templiers en 2009, reste et restera la plus belle victoire de ma carrière. Pourquoi? Parce que c’est le trail le plus relevé de France. Toute l’élite sans exception est présente. Le format de course avec ces 72 kms, son dénivelé proche des 3000 m positif, sa technicité, son départ magique avec la musique d’Era, les fumigènes rouges…. Tout cela contribue à une course fantastique. Personnellement, j’ai butté deux ans de suite, 3 éme en 2007, 8 éme en 2008 avant de m’imposer. Après ces deux défaites de 2007 et 2008, prenant de l’âge, je ne pensais pas que cette course s’offrirait à moi. Pourtant, année après année, je m’entraînais de mieux en mieux, de plus en plus, avec la même volonté de réussir. Mais qui peux dire: « je vais gagner les Templiers » ? Sincèrement personne, et pourtant tout le monde s’entraîne dans ce but. Moi le premier cette année encore. Après les championnats du monde de foot gagnés par la France en 98, Thierry Roland disait « on peut mourir tranquille ». C’est exactement ce que je ressens après avoir gagné cette course. Je suis apaisé avec moi même. Cela aurait été très dur pour moi de ne jamais m’imposer sur cette course qui compte tant pour moi.
T.S : As-t’on une chance de voir Thierry Breuil sur l’UTMB 2014 ?
T.B : A priori non. Ce n’est pas prévu dans mon programme 2014 car mes entraînements ne sont pas basés sur ce format de course. Aujourd’hui mon plaisir, je le prends en faisant des efforts autour des 5 à 6 heures. Donc courir entre 24 et 30 heures n’est pas imaginable pour moi pour le moment. Mais pourquoi pas un jour, qui sait ?
T.S : Y a t’il une course qui te ferait rêver plus qu’une autre, à l’étranger par exemple ?
T.B : Oui, la Diagonale des fous, sans hésiter ! C’est déjà prévu, à la fin de ma carrière dans quelques années, et très clair dans mon esprit. J’ai un ami qui le court tous les deux ans. Le Grand Raid, je le ferais avec lui, au coeur du peloton. Pas pour gagner. Pour bien le vivre, sans esprit de compétition. Pour être un finisher et être fier d’avoir à l’arrivée mon tee-shirt avec écrit « j’ai survécu ». Je suis allé courir à la Réunion à de nombreuses reprises. C’est une île, des plats, des paysages, des gens que j’adore. Sinon, sur des formats de course pour lesquels je peux le mieux exprimer mes qualités, ce serait plutôt l’Asie avec une course sur la muraille de Chine me tenterait bien, ou bien une course aux Canaries, en Grèce au Mont Olympe pour le côté mythique de l’endroit.
T.S : La nutrition et hygiène de vie sont importantes dans ta préparation au quotidien ?
T.B : Bien sûr, même si je pense avoir une approche assez différentes de beaucoup d’autres athlètes. J’accepte de m’entraîner beaucoup, et plus encore qu’il ne faut, comme aujourd’hui où j’ai rajouté beaucoup de kilomètres au plan prévu. En revanche, je ne veux pas priver mon corps en me restreignant trop. Je mange de tous, en quantités raisonnables. Je pense, qu’il faut « récompenser son, corps » en se faisant quelques plaisirs, dans le but de ne pas être obsédé par l’envie de « craquer ». Au niveau hygiène de vie, c’est vrai que ma vie est très classique et bien remplie. Pas ou peu de sorties, pas ou peu d’alcool, et je ne fume pas. Je ne mange pas beaucoup de charcuterie, de viandes grasses, et me freine sur les pâtisseries autant que je peux (ça c’est dur!!!).
Je suis les conseils d’Anthony Berthou, Effinov nutrition depuis 2009. Anthony me guide petit à petit avec ses conseils. J’ai donc changé certaines choses: pas ou plus de produits laitiers de vache (à remplacer par lait de chèvre ou de soja), un petit déjeuner complet avec oeufs et jambon, café, jus de fruit, pain, beurre confiture ou miel. Des poissons gras régulièrement, des légumineuses, pas de gâteau, sport le matin de la course, mais le même petit déjeuner que les autres jours de la semaine… Voilà l’essentiel. Je rajouterais que les produits d’Anthony sont «wall protect», donc ils garantissent à l’athlète des produits non dopants. Certains sont même Bio. Et comme tous les gens qui sont autour de moi, il y a relation car il y a forte amitié. C’est la base pour moi.
T.S : Quels est ton plus mauvais souvenir en compétition ?
T.B : C’est un abandon à un championnat de France de cross à Aix les Bains en 1990. J’étais junior 1. J’avais gagné tous les cross de ma saison dont le fameux cross du Figaro. Je courais dans le but de finir dans les 6 premiers, et ainsi faire partie de l’équipe de France de cross pour les championnats du Monde. Abandon au bout de deux kilomètres, je n’étais pas bien, mais j’aurais pu finir. Je n’ai juste pas accepté une mauvaise place. Quand je suis rentré chez moi, mon père m’a dit le reste. Mon abandon n’était pas dans les valeurs de l’éducation que j’avais reçue. Je ne vous raconte pas la discussion tendue ! J’ai attendu la Saintélyon et une énorme douleur en 2011 pour abandonner à nouveau, soit vingt ans plus tard. Cette fois, vraiment car mon corps ne pouvais pas m’emmener plus loin, donc environ 600 courses plus tard. Mauvais souvenir, même si les valeurs que je défends découlent certainement de ce fait de course, et au passage je dis « merci papa ».
T.S : Quels conseils donnerais-tu aux personnes qui souhaiteraient se lancer de la route au Trail Running ?
T.B : Sans hésiter, d’être progressif. Par la vitesse tenue en Trail, un coureur sur route pense qu’il va « se balader » à cette faible moyenne du Trail. C’est ce que je pensais, je dois bien le reconnaître. Mais l’apprentissage est long. Les muscles qui travaillent ne sont pas tout à fait les mêmes, ou plutôt, pas dans les mêmes proportions. Il faut aussi apprendre à s’alimenter en course, ce qui aura été le plus dur pour moi. Accepter de courir moins léger avec un sac sur le dos. Bref, se donner le temps de monter en kilométrages dans ses courses choisies, pour toujours bien vivre les choses et prendre un maximum plaisir.
T.S : Tes futurs projets, on peut en parler ?
T.B : Sportivement, je n’ai pas encore réfléchi à ce que sera mon année 2014. Je sais que je vais couper, et qu’avec Philippe Propage, dont la collaboration se passe à merveille, nous avons décidé de couper avec le Trail après les Templiers pour trois mois pour deux raisons principales. Premièrement, ne pas attendre de se blesser pour se reposer, et deuxièmement, retravailler ma vitesse en bossant mon allure 10 kms et cross dans cette inter-saison. Professionnellement, contribuer à créer de beaux produits techniques Kalenji, tant en chaussures qu’en textiles, et qu’ils rencontrent les utilisateurs avec un certain succès. Mais vous comprendrez que je ne peux pas vous en dire trop aujourd’hui. On se donne rendez vous dans les rayons Décathlon dédiés au running !
T.S : Merci Thierry pour ta disponibilité et à bientôt !
T.B : Merci à vous !
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Test de la Tenue Kapteren Kalenji ici !
Article sur la course des Terrils ici !
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Grégory Julien Baron, Trail Session Magazine, 2013.